on en parle
À travers sa filiale SNCF Immobilier, la Société Nationale Ferroviaire Française s’est donnée pour stratégie de faire vivre, de manière temporaire, une partie de son patrimoine immobilier en attente de reconversion. Depuis 2015, elle signe des baux d’occupation précaire avec des acteurs culturels et événementiels de façon à accroître la fréquentation de ses friches tout en réduisant les coûts de gardiennage et les risques de détérioration liés à la vacance immobilière. Un autre objectif recherché par la SNCF est de révéler le potentiel de son patrimoine préalablement à la requalification des lieux et de préfigurer, en prise avec les attentes des habitants du quartier, une partie des futurs usages. Ground Control est un exemple d’occupation temporaire de friche ferroviaire et de collaboration entre un opérateur événementiel et la SNCF.
Néanmoins, l’absence de partenariat structurel avec un opérateur social ou de gouvernance participative, invite à interroger les qualités sociales du projet, tant au niveau de la diversité des publics accueillis qu’en matière d’intégration dans le quartier Gare de Lyon Daumesnil.
Outre le bail à tarif réduit signé avec la SNCF, Ground Control fonctionne sur un modèle économique majoritairement marchand. La dépendance aux recettes issues des activités commerciales et l’absence de reconnaissance de la plus-value foncière créée par La Lune Rousse durant l’occupation mettent en évidence la nécessité de repenser les mécanismes de partenariat public-privé à l’œuvre dans le domaine de la vacance immobilière au risque de voir l’architecture temporaire amputée de son effet de couture urbaineau profit de l’immersion de quelques uns en “milieu spectaculaire”.
[Une initiative rédigée en collaboration avec Nathalie Cimino, étudiante du Diplôme Universitaire Espaces communs (Yes We Camp en partenariat avec Ancoats, CoDesign-It et l’Université Paris Est, Marne-la-Vallée).]
Initié en 2013 par la société de production La Lune Rousse, Ground Control est un projet itinérant d’occupation temporaire de friches à Paris. Il prend d’abord ses quartiers à la Cité de la Mode à l’été 2014 sous la forme d’un espace associant des fonctions de bar et petite restauration à une programmation événementielle. En 2015, Ground Control migre dans le 18e arrondissement et investit la Chapelle Ordener, ancienne base arrière de la Gare du Nord. En juin 2016, sur ce même site, Ground Control devient Grand Train : espace de vie et musée ferroviaire. Ground Control reprend son nom d’origine en 2017 et déménage dans le 18e sur une autre friche de la SNCF : l’ancien site de tri postal de Charolais Un espace de 4000m2 en attente de reconversion en quartier urbain Gare de Lyon Daumesnil.
Au sein de la Halle Charolais, Ground Control donne accès à une offre culturelle (concerts, expositions et studio de production de podcasts) et commerciale en accueillant des initiatives locales comme la librairie Charybde.
La scénographie de l’espace fait référence au voyage et intègre différents éléments associés à l’histoire du lieu sans pour autant faire état d’une réappropriation militante, politique et citoyenne de la friche ferroviaire. En outre, si les fondateurs de Ground Control se réclament héritiers de la contre-culture du squat à la Berlinoise, l’esthétique du projet tend à reprendre, du mobilier en palettes au food truck, certains codes “mythologiques” de l’architecture transitoire contemporaine.
La mission première que se sont donnée les fondateurs du projet est d’amener la culture dans les délaissés urbains ou les quartiers peu animés et d’y installer des espaces de convivialité et des conditions propices à la rencontre. Les activités culturelles proposées invitent à décrypter les enjeux de société et les alternatives urbaines.
Cet exemple interroge l’équilibre fragile de l’urbanisme temporaire dans le contexte de son institutionnalisation progressive.
À l’initiative de ses programmateurs issus du monde de l’événementiel, Ground Control est doté d’une activité de médiation culturelle. Il propose une offre de podcasts produits in situ, en lien avec les sujets et enjeux de société qui font la programmation du lieu. Ils visent à documenter la transition urbaine, les enjeux écologiques et à inscrire l’action de Ground Control dans la durée, au-delà de l’occupation temporaire.